NON à une nouvelle tentative d’imposer un registre central des armes !Publié le: 16.06.2023

Par une initiative parlementaire 22.440 « Hausse de la propension à la violence et possession d’armes par des particuliers. Pour un registre central des armes ! », la Conseillère nationale verte Marionna Schlatter demande que la Confédération administre une banque de données centralisée où toutes les armes à feu doivent être enregistrées. C’est la énième tentative d’introduire ce registre central des armes que PROTELL, association pour un droit libéral sur les armes, a toujours combattue, d’ailleurs suivie par le peuple et les cantons qui, le 13 février 2011, avaient rejeté l’initiative populaire « pour la protection face à la violence des armes » (qui le demandait).

Une nouvelle fois, PROTELL combattra cette manière, dangereuse pour notre sphère privée et sans aucun apport en termes de sécurité publique, de considérer a priori comme autant de criminels en puissance les propriétaires d’armes de notre pays, qui pourtant dans leur immense majorité se montrent dignes de la confiance que l’Etat place légitimement dans les citoyens responsables et respectueux de nos lois. Nous le ferons d’abord par nos relais au sein de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national, à commencer par le Conseiller national Jean-Luc Addor, Président de PROTELL, qui y siège.

Relevons d’abord la grande confusion dont témoigne le texte de cette initiative, qui mêle sans aucune justification la problématique du contrôle des armes détenues par des particuliers et celle, fondamentalement différente, du contrôle des armements, qui concerne non pas les particuliers mais les Etats (chez nous, le DDPS).

Comme prémisse de cette proposition éculée, l’élue verte se fonde sur une affirmation non démontrée : une prétendue hausse de la propension à la violence que ne documente aucune statistique ni le moindre élément concret. Partant de cette prémisse au demeurant fausse, l’élue établit un lien encore plus faut, pour ne pas dire abusif et pas plus démontré entre l’acquisition et la détention d’armes et la propension à la violence au moyen d’armes à feu. Le douteux amalgame entre les « coronasceptiques » et une hausse fantasmée de la propension à la violence n’ajoute rien à une « démonstration » contredite par la réalité. Car notre pays, dont Mme Schlatter déplore qu’il soit au monde l’un de ceux dans lesquels les citoyens détiennent le plus d’armes à feu soit dans les faits l’un des plus sûrs, pour ne pas dire le plus sûr au monde.

A cette prémisse fausse s’en ajoute une seconde : l’élue verte semble imaginer qu’un registre central permettra d’en savoir plus au sujet des raisons pour lesquelles des citoyens demandent des permis d’acquisition d’armes. C’est évidemment faux. En effet, un éventuel registre centralisé ne recensera que des armes, pas des intentions ni des motivations (à moins que Mme Schlatter n’ait en tête – ce que nous n'osons imaginer – de faire de ce registre un outil de police politique ?).

La proposition de Mme Schlatter est contraire au fédéralisme que consacre encore la loi sur les armes : ce sont en effet les cantons, non la Confédération, qui sont chargés de son exécution (art. 38 al. 1 LArm), en particulier, explicitement, en ce qui concerne le système – cantonal – d’information électronique relatif à l’acquisition et à la possession d’armes à feu (art. 32a al. 2 LArm). Il est ainsi logique que même après la mise en ligne des registres cantonaux et la mise en service de la plateforme de consultation en ligne de ces registres (CLRA), système en vigueur depuis 2016 dont PROTELL a dénoncé les risques en termes de libertés et de sphère privée, la tenue des registres et la maîtrise des données relèvent quand même toujours des cantons.

L’élue verte invoque encore la prétendue transparence que créerait un registre central. Là encore, elle méconnaît la transparence dont les cantons font preuve dans la gestion des registres cantonaux et celle de l’outil de consultation de ces registres en ligne.

Quant à la sécurité espérée par Mme Schlatter, force est de constater que cet espoir ne repose sur aucun lien établi ni documenté entre la centralisation de registres aujourd’hui cantonaux et un gain quelconque en termes de sécurité publique, ne serait-ce que parce que comme d’habitude, seuls seraient touchés, dans leur sphère privée, les citoyens responsables respectueux de la loi mais justement pas les criminels. Car ceux-ci agissent le plus souvent avec des armes acquises et détenues illégalement. Et il tombe sous le sens que même centralisé, aucun registre ne pourra jamais recenser des armes non déclarées.

Venons-en à d’autres éléments de la situation actuelle qui montrent l’inutilité d’un registre central des armes :

  • S’agissant des personnes dont il y a lieu de craindre qu’elles utilisent une arme d’une manière dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui peuvent, la loi en vigueur (art. 8 al. 2 let. c LArm) permet déjà de leur refuser un permis d’acquisition ou de leur retirer rapidement toutes leurs armes (art. 31 al. 1 let. b LArm). A cette fin, les cantons doivent pouvoir agir en temps réel. Un registre fédéral ne crée pas de sécurité supplémentaire - au contraire, il risquerait de compliquer et de ralentir les procédures éprouvées au sein de la police.
  • En sus de la plateforme de consultation en ligne des registres cantonaux (CLRA), il existe déjà plusieurs registres de données centralisés (regroupés dans la plateforme ARMADA). Ces bases de données recensent les personnes dont l'autorisation de port d'armes a été retirée ou refusée, celles dont les armes ont été séquestrées ou encore celles dont l'arme d’ordonnance (personnelle ou en prêt) a été retirée ou n'a pas été remise en vertu de la législation militaire
  • Depuis 2008, toute acquisition ou aliénation d’une arme à feu doit être déclarée. Récemment, la loi suisse sur les armes a été considérablement durcie renforcée récemment par la reprise de la directive européenne sur les armes, notamment en imposant à grande échelle une obligation de déclaration ultérieure des armes non encore enregistrées (art. 42b al. 1 LArm).
  • La Suisse devient chaque année plus sûre si l’on en croit la statistique policière de la criminalité dont il ressort qu’en 2021, « 42 homicides consommés ont été enregistrés par la police. Il s'agit de l'une des valeurs les plus basses depuis le début de l'enquête en 1982. ». Les crimes commis avec des armes à feu sont rares dans notre pays (SPC 2021 avec ventilation par moyen d'infraction), ceux commis avec des armes acquises légalement encore plus.

En définitive, PROTELL demande au Parlement fédéral et d’abord aux membres de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national de ne pas donner suite à l’iv. pa. Schlatter 22.440, une initiative de plus qui, sans aucune nécessité objective, sans que nous puissions espérer le moindre gain en termes de sécurité publique, aurait pour effet de ruiner plus encore que ne l’ont déjà fait les durcissements successifs de la LArm la confiance qui doit subsister entre l’Etat et les citoyens responsables respectueux de la loi ; ces citoyens (nous…) seraient contrôlés (on pourrait même dire « fliqués ») plus encore qu’aujourd’hui et leur sphère privée sacrifiée dans la même mesure ; surtout, on ne voit que trop que ce ne serait qu’une étape de plus en direction de l’objectif avoué des partisans de telles initiatives : désarmer les citoyens.